Généralités et contexte historique
Le carré SATOR est un cryptogramme ésotérique dont on retrouve la trace sur certains édifices religieux, dans des lieux chargés d’histoire templière ou sur des vestiges plus anciens comme c’est le cas de la gravure retrouvée sur la colonne de la grande palestre lors des fouilles de Pompéi, ce qui lui assure une datation antérieure à l’éruption du vésuve en l’an + 79.
Il se présente comme un palindrome dont la traduction littérale pourrait être la suivante compte tenu du mot AREPO qui n’a pas de sens particulier en latin mais qui peut faire penser à une charrue gauloise avec son avant-train à roues: « le semeur à la charrue conduit par son travail les roues »mais cette interprétation n’est pas satisfaisante en raison de l’apparition tardive de la charrue à roues dans les premiers siècles en Europe et l’antériorité du carré.
On peut alors contourner cette difficulté par une lecture en boustrophédon (lecture de gauche à droite pour la première ligne puis de droite à gauche pour la deuxième) ce qui permet d’occulter ce fameux AREPO. La traduction devient alors avec répétition de la troisième ligne: « le semeur dirige les oeuvres, les rouages et les maintient par son action ».
On a retrouvé des dépôts de monnaie ou des objets reliquaires près des inscriptions du carré comme par exemple à la chapelle Saint Michel d’Aiguihle lors la restauration de l’autel. Ce trésor est intéressant pour la forme symbolique de certains de ses éléments notamment ce christ polychrome très filiforme qui épouse la croix ou ces deux plats ronds en bronze renversés l’un sur l’autre.
La croix du carré est suggérée par les deux TENET et un chercheur (Grosser) a permis de constater que les 25 lettres réassemblées peuvent former une croix avec 2 paternoster disposés à l’horizontal et à la vertical avec un N central, entouré aux 4 coins par 2 Alpha et 2 Oméga. Est ce pour autant un indice de la christianisation naissante sous le joug romain…rien n’est moins sûr!
Une inscription supplémentaire a été rajoutée sous la ligne du SATOR de Pompéi à savoir Sautran et Vale en plus petit pour rajouter une connotation mystérieuse. SAUTRAN est l’anagramme de SATURNA qui fait penser à Saturne, le dieu des vignerons et des paysans pour les romains et qui est célébré durant les saturnales avant le solstice d’hiver. Saturne avec l’attribut de la faucille (comme la grande faucheuse) était chargé de la protection des semailles et son épouse (et soeur) Ops personnifiait la terre nourricière. Un concept ambivalent dans ce couple à savoir l’association de la mort à un phénomène d’abondance. C’est le symbolisme d’un temps suspendu qui sera retenu plutôt que celui du chaos car Saturne représentait un age d’or prospère et mythique. La traduction pourrait alors devenir: « le semeur (Saturne) comme AREPO l’agriculteur en vertu de sa conduite, tient avec OPIS (OPS) les roues du destin.
Certains ont remarqué aussi que Sautran renvoyait à une racine hébraïque STR qui renforce l’idée de cacher ou de protéger. Ce carré recèle t- il alors autre chose qu’une allusion mystique au temps à travers le travail saisonnier de l’agriculteur?
Pour ajouter une dimension de fascination historique vis à vis de ce carré, intéressons nous à celui de Stenay découvert dans la fondation de la basilique saint Dagobert à côté d’une véritable nécropole gallo-romaine.
Aucun temple de Saturne n’ayant été jusqu’à présent découvert, il est néanmoins établi que le carré de Stenay est bien un carré SATOR avec des indications significatives.
La ville de Stenay fit partie du fief de Godefroy de Bouillon qui la délivra en 1086 du siège organisé par le comte evêque de Verdun. Dix ans après, ce personnage vend le château de Bouillon ainsi que Stenay pour financer la première croisade en 1096. Exit le blason avec le chevron qui a inspiré les armes de la ville de Stenay puisqu’à son couronnement… sans couronne, il arbore un nouveau blason à Jérusalem avec cette croix jaune qui dénote par rapport à une héraldique traditionnelle.
La planche suivante montre que les petites croix délimitent un carré d’ordre 2 peut être en relation avec l’éternel (père) compte tenu des combinaisons possibles des lettres PER dont le sens en égyptien translittéré peut désigner aussi le temple. Avec les quatre croisettes, vient se rajouter la cinquième croix de TENET qui insiste sur le chiffre 5 en rapport avec les blessures du christ.
Un an après la prise de Jérusalem, Godefroy meurt après s’être attaché à structurer une organisation autour du tombeau du saint Sépulcre. En 1119, les neufs fondateurs de l’Ordre du Temple dont Hugues de Payens venu en éclaireur lors d’un pèlerinage précédent, fouillent le site de l’ancien temple de Salomon. Il apparait à travers cette petite histoire de blason que le carré SATOR définit bien une grille de lecture particulière et renferme un secret d’initié.
Aspect géométrique
Le carré SATOR/ROTAS est un carré d’ordre 5 avec des lettres qui se centrent sur des carrés concentriques d’ordre pair (per pour le carré d’ordre 2). Ainsi, la grille jouxtant le cadre externe fait apparaitre un carré d’ordre 4 et les voyelles A et O en lignes ou colonnes permettent de trouver 8 points caractéristiques sur le cercle inscrit qui est assimilé au zodiaque. La lettre T de TENET permet de trouver les 4 points supplémentaires correspondant aux directions cardinales.
A ce propos, l’escarboucle outre la pierre associée en chevalerie, a en héraldique une assignation en double croix (croix cardinale et intercardinale) avec 8 rais. Cette escarboucle géométrique est aussi précieuse car elle permet de sectoriser les carrés concentriques et d’entrevoir avec les deux premiers carrés la valeur du nombre d’or (Phi) et la notion de carré long. La croix double a également passionné le moyen-âge dans le jeu numérique des carrés magiques ou des carrés naturels.
Cette escarboucle est bien signifiée dans un des graffitis de la tour de Coudray (château Chinon) qui aurait abrité le dernier maître de l’Ordre du temple, Jacques de Molay arrêté en 1307 par les troupes de Philippe Le Bel. On voit d’un côté des escarboucles en damier de quatre avec une autre plus bas, suggérant le carré unitaire au sein d’un carré d’ordre 2 et donc l’expression de Phi à travers le chiffre 5 (main gravée à droite).
De l’autre côté de cette gravure, l’ironie semble avoir été poussée avec la représentation d’une autre escarboucle, peut-être cette pierre (une émeraude?) qu’aurait perdue le pape Clément V lors de son couronnement, incident prenant alors la forme d’un funeste présage. Sur ce mur de cachot près de la fenêtre, l’inscription darde des éclats meurtriers sur une figure ecclésiastique bien en chair et soigneusement défigurée.
Certaines croix templières peuvent être facilement construites dans un espace quadrillé, c’est le cas de l’exemple suivant avec la présence d’un zodiaque partagé en secteurs de 30° mais des croix appartenant à d’autres cultures peuvent également se construire à partir de cette démarche géométrique (croix andine).
La croix druidique probablement issue de la croix solaire est intéressante également car le raisonnement mystique vient s’appuyer sur la construction graphique avec la détermination de certains cercles.
L’impasse du cercle de l’abîme après une descente suivant des cercles concentriques vers le centre divin tout en évitant les coins, trouve sa résolution si l’on connait certaines propriétés du triangle (3,4,5) ou la connaissance du nombre d’or, associé à la lumière (Hor = lumière en hébreu).
Ainsi la géométrie et l’interaction de certains nombres permettent d’ériger des paradigmes spirituels ou d’élaborer des cosmogonies. Avec cette interprétation le carré SATOR donnerait la structure carrée d’un temple avec ses interventions divines en cercles. Le zodiaque ferait partie de cette organisation schématique issue d’un carré et réunit du reste 12 constellations au dessus de nos têtes dans le plan de l’écliptique.
Le zodiaque et le texte caché
Le zodiaque
On a vu que le carré SATOR par sa grille dévoilait dans le carré d’ordre 4 un zodiaque, véritable Graal ou coupe telle que la tient Saint Jean l’évangéliste dans plusieurs de ses représentations picturales.
Il semble immunisé par ce serpent spiralé qui veille sur un axis mundi telle cette image du caducée ou représente la connaissance secrète et magique avec le bâton de Moïse ou le serpent d’airain. Dans l’apocalypse de saint Jean, le temple est cubique et le siège d’une sphère zodiacale avec 12 signes pour 12 portes.
Léonard de Vinci dans sa fresque consacrée à la cène du christ a essayé d’associer des signes zodiacaux aux différents protagonistes (voir l’article associé pour les détails). Voici un rappel géométrique et un bref résumé.
Saint Jean (l’évangéliste? Marie de Magdala?) pour le signe de la balance, avec saint Pierre le scorpion, semblent se déterminer comme deux juges implacables. Le scorpion qui définit l’axe solsticial peut atteindre avec son couteau le bas ventre du christ, soulignant de ce fait un problème de sexisme ou de rivalité amoureuse avec Jean. Le sagittaire (Judas) peut décocher une flèche imaginaire à Philippe le gémeau, action marquant l’axe Ouest-Est du zodiaque. Au passage, il peut atteindre le coeur de Jésus entrainant son trépas et le début de sa quête résurrectionnelle. Le chrisme à 60° est ainsi révélé avec sa transposition géométrique, l’axe Nord-Sud équinoxial étant tenu par le signe du poisson et de la vierge signifiant l’appartenance christique à l’ère du poisson.
Ce chrisme est celui qu’on attribue à Constantin 1 er mais découle probablement d’une longue tradition ésotérique. Cet empereur romain le voit comme un signe dans le ciel avant sa bataille du pont Milvius en 312. Il deviendra l’organisateur d’un christianisme à la mode romaine avec ses adaptations au culte solaire. Ainsi, en raison du culte Sol Invictus, le christ verra sa naissance lié au solstice d’hiver avec ce reflet triomphant d’Orion sur la voute étoilée et la manifestation de Sirius comme étoile guide des rois mages. Le dimanche (jour de consécration au soleil) deviendra par la suite un jour de repos lié au culte.
On remarque que saint Jean l’évangéliste a également été associé à l’aigle du tétramorphe pour éviter l’image sulfureuse du scorpion à moins que l’on ait voulu rappeler le serpentaire écarté du zodiaque. En tout cas, la vision d’Ezéchiel du temps de l’exode babylonien tranche pour 4 figures polymorphes (face de lion,de taureau, d’aigle et d’homme) pour rappeler 4 types de gardiens célestes autour d’un temple divin et inscrits dans le zodiaque. Rappelons leur degré de liberté même si la description reste un peu confuse.
- Chaque chérubin est lié à 4 roues avec une roue pour chaque figure animale soit un carré avec 4 cercles;
- Les roues se déplacent sur chacun des 4 côtés mais ne virent pas.
- Elles paraissent s’imbriquer en créant un tourbillon et peuvent migrer vers les entrées d’un temple.
On constate donc que les gardiens couvrent un secteur particulier de la Jérusalem céleste et peuvent se rencontrer suivant des lignes droites comme dans le schéma suivant en partie gauche.
Durant l’antiquité, on parlait à Babylone de 4 étoiles royales, gardiennes du ciel avec Fomalhaut (constellation du poisson austral près du verseau), Antares (scorpion), Regulus (lion) et Aldebaran (taureau).
Ces constellations sont sous-entendues avec la carte du monde (21) du jeu de tarot et la présence du tétramorphe (homme, aigle, lion, taureau).
On peut se demander aussi si la version de l’ange, cet être hybride, n’est pas la reprise d’un mythe développé dans l’Illiade à savoir l’image d’un Ganymède enlevé par un zeus, transformé en aigle, pour lui servir d’amant et d’échanson. Le verseau et Ganymède par l’aigle sont deux constellations voisines dans le ciel organisé par Claude Ptolémée au deuxième siècle après JC.
Trois cartes au tarot (les 3 bouts) permettent d’organiser la stratégie du jeu, c’est le 21 (monde), le petit (bateleur) et l’excuse (mat ou fou). Le bateleur ou maitre de l’illusion représente l’alpha alors que l’oméga s’adresse plus à ce voyageur sans famille (pas de numérotation) qui arpente le monde avec ce petit animal qui le talonne de près.
Il fait penser à la représentation d’Orion avec le lièvre Ounet sur le planisphère de Denderah. Une de mes vidéos (PHIM Apocalypsis 2012) montre que les 78 cartes de ce jeu peuvent s’articuler selon un chrisme donné comme logos du macrocosme ancien.
Le bateleur apparait sur un médaillon entourant le tympan du narthex de la basilique sainte Marie Madeleine à Vézelay. Au dessus du christ en gloire, dans une portion d’un zodiaque enrichi avec des scènes de la vie agricole, on le retrouve en compagnie d’un chien et d’une sirène.
Un parallèle peut être fait avec le mythe grec de Jason, ce batelier (même racine étymologique que bateleur) qui résiste aux sirènes, d’avantage ailées dans le mythe, pour conserver la toison d’or soit une peau de bélier qu’il est allé chercher dans une direction septentrionale à la Grèce c’est à dire en Colchidie. La sirène est une allusion à la prostituée soit Marie Madeleine pour Jésus soit Isis pour Saint Jean (apocalypse chap 17) qui la dépeint comme la grande prostituée siégeant sur de nombreuses eaux. Sur le planisphère de Denderah elle figure au sud en période caniculaire (symbole du chien) et crue du Nil ( Ahkhet pour les anciens égyptiens) alors que le bélier au nord définit un repère pour l’équinoxe de printemps, repris plus tard dans le zodiaque tropical.
Cette reine astrale a été remplacée dans l’almageste de Ptolémée, avec 48 constellations répertoriées, par un centaure aux penchants lubriques et guerriers. Peut-être s’agit il de la bête décrite par saint Jean avec ses dix cornes pour les dix étoiles les plus brillantes de la constellation centaurienne.
Le texte caché
Les voyelles (A,E,O) pourraient occuper les cases de la même couleur d’un échiquier. Si, à partir de la position centrale du Naos (N) elles marquent le déplacement du cavalier ( pour les cases A et O) et de la reine (pour E), elles peuvent faire penser à un code en raison de leur rôle stratégique. Les carrés 5,3,1 définissent trois enceintes concentriques comme pourrait l’évoquer le jeu très ancien des mérelles ou du moulin.
Pour traverser la première enceinte la clef est le E. Pour franchir la deuxième enceinte la clef est le A ou le O et enfin pour rentrer en secteur 1, le mot de passe est de nouveau le E. Les 3 enceintes délimitent par conséquent 3 secteurs où la clef de décryptage est le E puis le A ou le O puis le E pour accéder au centre. Le E, par sa valeur alpha numérique 5 est une composante de l’expression du nombre d’or qui va servir d’extrapolation à la définition d’un monde et à son éclairage (article « Du carré SATOR au site de Guizeh). Le A marque le commencement (Alpha) alors que le O (Omega) signe la fin d’un cycle. A noter que dans l’alphabet classique latin, O occupe la 14 ème place. Quatorze est le nombre osirien et sa réduction théosophique redonne le 5.
On a donc des gardiens dont on a évoqué les possibilités précédemment avec le tétramorphe qui connaissent le code entrant et le code sortant. La clef universelle pourrait être la clef Lambda suivante ou clef de vocalisation que l’on retrouve dans le SATOR.
Un moyen mnémotechnique pourra être ce bras d’étoile, proche de la croix des béatitudes, qui rappelle la séquence des voyelles nécessaire pour trouver les deux textes suivants:
Avec le A:
Es Ea Et Eo Er
Ea ArAe ApEo
Et Ae EnAe Et
Eo Ap Ae ArEa
Er Eo Et Ea Es
Avec le O:
Es Ea Et Eo Er
Ea OrOe OpEo
Et Oe EnOe Et
Eo OpOe OrEa
Er Eo Et Ea Es
En raison de ma modeste connaissance du latin, de syntaxes pas toujours évidentes ou de mots à double sens, je propose la traduction suivante avec le souci de faire tourner le regard dans le sanctuaire du tabernacle biblique.
Traduction avec le A:
Lieu de l’antichambre ou du Saint avec une vision de l’autel des parfums vers la Menorah.
Un objet en bronze par ici et par là de la fumée. Par là on quitte donc l’endroit de l’autel et de ce récipient en cuivre, pour aller de ce côté de l’espace où il y a de la fumée et un (autre) objet en bronze.
Traduction avec le O:
Lieu du Très Saint et de l’arche avec une vision à 180° du propitiatoire et de ses deux keroubim.
Par là un objet en bronze et en plus à cet endroit de l’aérien. On va au devant d’un visage par là et depuis cette forme en bronze et en suivant son extrémité, on trouve une (autre) chose aérienne et en bronze.
La discussion autour de la qualité du métal est secondaire car le bronze a l’éclat de l’or quand il est poli et c’est un vocabulaire restreint mais avec un sens large qui est servi dans ce cryptage. L’utilisation du bronze est certes lié au descriptif du parvis mais la mer d’airain en face de l’autel ne constitue pas vraiment un mobilier en rapport avec le feu ou l’aérien. Peut on alors relier ce texte à la visite d’un autre temple avec une à plusieurs statues pourvues d’attributs célestes, tout cela reste envisageable mais le propitiatoire conserve dans l’inconscient collectif une symbolique tout à fait remarquable à travers l’arche d’alliance ou ce trône miniature de dieu. Les chérubins avaient une dualité aérienne/terrestre mais probablement d’autres caractéristiques physiques en relation avec le tétramorphe d’Ezéchiel qui s’est érigé en véritable défenseur du dogme. L’orientation de l’arche a également son importance à mon avis dans le lieu de culte avec un axe Est-Ouest supposé.
Conclusion
Le carré SATOR apparait donc comme une grille dévoilant un zodiaque et une géométrie sacrée autour du nombre d’or. Le texte caché semble renvoyer à l’architecture du tabernacle et une symbolique dont on peut penser qu’elles ont été influencées par un système de pensée plus vaste avec le complexe religieux des pyramides de Guizeh. Léonard de Vinci semble avoir lancé quelques pistes de recherche dans cette direction à travers la composition graphique de la cène ou les relations ésotériques de son homme de Vitruve.
PHIM